de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Galerie Sultana

Galerie Sultana

En général, toutes les galeries qui ouvrent à Belleville veulent, à un moment ou à un autre, venir s’installer dans le Marais, qui reste l’épicentre de la vie artistique parisienne. C’est pourtant le contraire que vient de faire Guillaume Sultana, lui qui occupait un espace dans le coin très prisé de la rue des Arquebusiers (IIIe arrondissement) et qui vient de s’installer dans une ancienne librairie de la rue Ramponneau, juste à côté du boulevard de Belleville (XXe). Une décision qui peut sembler surprenante, mais qui, selon l’intéressé, s’est prise tout naturellement : « En fait, je devais quitter mon espace du Marais et j’aurais pu essayer de rester dans le quartier, mais j’ai préféré venir à Belleville. D’abord parce que je n’étais plus satisfait de cet endroit où s’installent de plus en plus de boutiques de vêtements et où les grosses structures (Perrotin, Ropac, Almine Rech) focalisent toute l’attention. Et ensuite, parce que j’avais très envie de venir à Belleville, qui me semble un quartier très dynamique et motivé et où je me sens beaucoup plus en affinité avec les autres galeries qui s’y trouvent. D’ailleurs les choses viennent juste de se faire, mais il y a longtemps que j’y pense. »

Mais il y a une autre raison qui a motivé ce déménagement, une raison dont ne se cache pas Guillaume Sultana et qui est qu’à Belleville, les loyers sont moins chers. Or les galeries aujourd’hui, à moins d’être très riches, ont besoin de faire des économies sur leurs frais fixes, de manière à pouvoir faire plus de foires, et en particulier à l’étranger. Car c’est là que les choses se passent désormais, là que la plus grande part de chiffre d’affaire est réalisée : « Je travaille essentiellement avec le marché étranger, précise Guillaume Sultana. Ce n’est pas par choix, mais malheureusement, compte tenu de la situation actuelle de notre pays, les Français achètent moins d’œuvres d’art et se font beaucoup moins plaisir. Donc pour moi, les foires sont essentielles. J’y fais beaucoup de rencontres et les échanges y sont très intéressants. Paradoxalement, ce sont les parisiens qui se déplacent le moins dans les galeries. Les provinciaux, eux, lorsqu’ils viennent dans la capitale, ont davantage programmé leur visite et y accordent plus de temps. Et récemment, il y a un couple de mexicains que j’avais rencontré sur une foire et qui, lors d’un séjour à Paris, est venu me voir à la galerie. C’est le genre de choses qui fait énormément plaisir. On a le sentiment que tout ce travail n’est pas fait pour rien. »

Guillaume SultanaEst-ce parce qu’il est lui-même originaire de Carpentras que Guillaume Sultana semble plus indulgent pour les provinciaux que pour les parisiens ? Toujours est-il que c’est dans son Sud natal que le jeune homme a fait ses classes, à Avignon, où il a travaillé pour la Collection Lambert (« Nous étions une toute petite équipe, j’avais la possibilité de toucher à tout et j’ai appris plein de choses. En plus, pour un jeune novice comme moi, avoir la possibilité de rencontrer des artistes aussi importants que On Kawara, par exemple, était une aubaine inespérée »). Mais au bout de quelque temps, le petit milieu avignonnais lui pèse trop et, malgré tout l’intérêt qu’il prend à son travail, il éprouve le besoin de « monter » à Paris. Après un passage rapide par l’ancienne galerie Cosmic (aujourd’hui Bugada et Cargnel), il se lance et ouvre, avec  Stéphane Baumet, une galerie rue Saint-Claude qui porte le nom des deux associés : « Baumet-Sultana ». Mais en 2010, Stéphane Baumet se retire et Guillaume Sultana se retrouve seul dans un nouvel espace, rue des Arquebusiers, tout près du précédent, espace qu’il occupait jusqu’à l’actuel déménagement : « Le fait de me retrouver seul ne m’a pas rendu les choses beaucoup plus difficiles, explique-t-il. Bien sûr, cela m’a occasionné plus de travail de gestion et d’administration, mais d’un autre côté, cela m’a permis d’être plus libre, de faire les choix que j’avais vraiment envie de faire et de donner une identité propre à la galerie ».

Côté choix, justement, le galeriste a bien du mal à définir une ligne parmi les artistes qu’il représente (« Ils viennent   d’horizons différents et je n’ai jamais cherché à imposer ni une esthétique ni un médium »). On y trouve bien sûr des artistes « historiques » comme Walter Pfeiffer, le photographe suisse qui a beaucoup travaillé pour la presse et qui est le père spirituel de Wolfgang Tillmans ou de Ryan McGinley. Mais aussi de jeunes plasticiens français comme Bettina Samson, ou des artistes déjà plus installés dans la carrière comme François-Xavier Courrèges, Arnaud Maguet ou Olivier Millagou. Et des américains aussi comme Jacin Giordano, Beatriz Monteavaro ou Gavin Perry, qui n’hésitent ni sur la couleur ni sur la matière, ou des gens venant de scènes artistiques émergentes comme la mexicaine Pia Camil et le guatémaltèque Naufus Ramirez-Figueroa. Mais pour l’heure, c’est Emmanuel Lagarrigue, qui travaille surtout autour de la mémoire et de l’exploration du langage, qui essuie les plâtres du nouvel espace avec une très élégante exposition qui rassemble des sculptures réalisées à partir de plaques en marbre récupérées chez les brocanteurs et des tableaux de cendres faits à partir des copeaux calcinés d’œuvres de sa précédentes exposition à  la galerie. Et par la suite, la galerie Sultana, qui  vient juste de rentrer de la sympathique « Art-O-Rama » de Marseille, sera présente, entre autres, sur les foires de « Frieze Londres » et d’« Artissima » de Turin. Une rentrée bien chargée, donc, pour le dynamique galeriste et qui ne manquera pas d’éprouver les baskets qu’il semble affectionner et qu’il porte souvent très colorées.

Else d’Emmanuel Lagarrigue, jusqu’au 18 octobre à la galerie Sultana, 10 rue Ramponeau, 75020 Paris (www.galeriesultana.com)

Images : vue de l’exposition Else d’Emmanuel Lagarrigue © claire dorn / courtesy sultana paris ; portrait de Guillaume Sultana

 

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