de Patrick Scemama

en savoir plus

La République de l'Art
L’été des expos parisiennes

L’été des expos parisiennes

C’est l’été et, comme chaque année, la scène artistique parisienne s’assoupit et laisse place aux biennales et festivals avant de redémarrer en force en septembre, dans la perspective de la FIAC qui se tiendra à la fin du mois d’octobre. Mais pour ceux qui resteront dans la Capitale ou pour ceux qui y passeront quelques jours, de nombreuses galeries joueront les prolongations et les institutions, bien sûr, resteront ouvertes.

Côté galeries, on peut signaler l’exposition James Turrell qui se tient à la galerie Almine Rech. Avec l’exposition Dynamo qui se tient encore au Grand Palais ou l’exposition Ann Veronica Janssens qui a été montrée à la Galerie Kamel Mennour, la lumière a été au centre des manifestations artistiques de cette fin de saison – peut-être parce que le ciel parisien en manquait particulièrement. Et s’il est un maître de la lumière (comme les expositions précédemment citées l’ont d’ailleurs montré), c’est bien l’artiste californien James Turrell, qui en a fait le matériau essentiel de son travail. A la galerie Almine Rech sont montrées une pièce historique, Prado, Red, qui est comme une sorte d’écran lumineux rouge dans lequel le spectateur entre progressivement, et des pièces plus récentes, les Light Reflective Pieces, qui sont des captures de lumière en trois dimensions. Dans tous les cas, le visiteur est happé par ces expériences rétiniennes et les vit comme de nouvelles formes de perception. Fascinant.

Côté galeries toujours, on peut signaler aussi la Galerie Chantal Crousel  qui, sous le titre de « Bande à part », propose jusqu’à la fin juillet un programme de vidéos de ses artistes qui inclue des œuvres de, entre autres, Anri Sala (qui représente la France à la Biennale de Venise de cet été), Gabriel Orozco, Seth Price Thomas Hirchhorn. A découvrir au frais, confortablement installé et dans la pénombre.

Les musées et institutions, eux, proposent leurs « blockbusters » de l’été. Outre l’excellent Nouvelle Vague au Palais de Tokyo dont il a déjà été question ici (http://larepubliquedelart.com/des-vagues-bonnes-a-surfer/) et l’intelligente rétrospective Lichtenstein au Centre Pompidou (http://larepubliquedelart.com/au-dela-du-pop-lart/), on pourra signaler le nouvel accrochage des collections permanentes du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris ou, dans un genre plus discret, la quatrième et dernière exposition que les jeunes commissaires Elodie Royer et Yoann Gourmel ont conçue pour La Plateau, FRAC-Ile de France, et que, malicieusement, ils ont intitulé Une Préface (mais n’est-il pas vrai, au fond que les préfaces sont ce qu’on lit en dernier ?). Plus posée, moins touffue, plus muséale que les précédentes, cette exposition permet d’envisager avec calme les œuvres d’artistes comme Jimmie Durham, Richard Brautigan, Michael Crowe ou Zoe Leonard. Mais ce qu’elle gagne en sérieux et en lisibilité, elle le perd en poésie et  en légèreté. Pour la pièce finale, toutefois, une superbe installation de Guillaume Leblon, que l’on contemple d’un belvédère et où les objets donnent l’impression de sortir de coulées de plâtre, elle doit absolument être vue.

Photo 7Comme doit absolument être vue l’exposition Année 1, le Paradis sur Terre que l’artiste italien lié au mouvement de l’Arte Povera, Michelangelo Pistoletto, a pensée pour le Musée du Louvre. Intervention, d’ailleurs, plutôt qu’exposition, car les œuvres présentées ne sont pas regroupées dans une ou plusieurs salles, mais disséminées à différents endroits du musée, des peintures italiennes aux sculptures françaises, en passant par les antiquités grecques et le Louvre médiéval. Pistoletto, on le sait, s’est toujours situé sur plusieurs temporalités (passé, présent, futur) et a fait du Tableau-miroir qui intègre le spectateur sa signature. Mais présentées au sein même d’un musée comme le Louvre, ses œuvres n’en prennent que plus de sens et de pertinence. Dès la première et la plus ancienne, par exemple, Figure humaine (1962), qui représente un homme de dos plongé dans son silence et ses réflexions,  on ne peut être que frappé par le contraste qu’elle impose avec le flot de touristes qui passent devant elle à la recherche de « Mona Lisa ». Ou la deuxième, Toile sur chevalet (1962-1975), qui, par le reflet dans le miroir, donne à n’importe visiteur l’impression qu’il pourrait être l’auteur d’une des peintures exposées. Ou Jeune fille photographiant (1962-2007) qui, comme son titre l’indique, montre une jeune fille, de face, qui lève son appareil photo et qui semble reproduire en écho le geste des spectateurs présents dans la salle. Et que dire de Cage (1962-1973) qui montre un surveillant balayant le sol d’une prison et qui fait que le spectateur, dans le musée, a le sentiment d’être à l’intérieur de cette prison ?

Mais le travail de Pistoletto ne se réduit pas à des considérations sur la place du visiteur dans le musée et à la manière dont, en l’enfermant dans le miroir, il le fait voyager dans le temps : elle a aussi des résonances politiques et historiques, comme en témoigne l’œuvre intitulée Le temps du jugement (2009), qui, à l’aide de quatre miroirs et de quatre symboles, fait tourner le spectateur autour des quatre grandes religions du monde (chrétienne, juive, musulmane et bouddhique). Artiste engagé, Pistoletto  prône le respect et la compréhension de l’autre avec une pièce comme Love Différence (2010), qui incite sous la forme de néons et en différentes langues à « aimer les différences » et se fait le chantre d’un avenir meilleur avec une installation comme Obelisco e Terzo Paradiso (1976-2013), qui reprend le signe de l’infini et représente l’avenir de la société humaine en faisant fusionner, en son centre, l’élément masculin et l’élément féminin, comme pour une renaissance.

Bref, une exposition intelligente, vivifiante, forte et qui permet au passage de réviser ses classiques (les collections du Musée du Louvre), donc une parfaite exposition pour l’été !

Dynamo, un siècle de lumière et de mouvement dans l’art, jusqu’au 22 juillet, au Grand Palais

-James Turrell, jusqu’au 27 juillet, Galerie Almine Rech, 64 rue de Turenne 75003 Paris (www.alminerech.com)

Bande à part, jusqu’au 27 juillet, Galerie Chantal Crousel, 10 rue Charlot 75003 Paris (www.crousel.com)

-Collections permanentes, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson 75016 Paris (www.mam.paris.fr)

-Une Préface, jusqu’au 28 juillet, La Plateau FRAC Ile-de-France, 33 rue des Alouettes 75019 Paris (www.fracidf-leplateau.com)

-Michelangelo Pistoletto, jusqu’au 2 septembre, Musée du Louvre (www.louvre.fr)

Images : Michelangelo Pistoltto, Obelisco e Terzo Paradiso, 1976-2013, bois, metal, miroir, tissus, obelisque: 1200 x 250 x 250 cm. Signe : 1300 x 500cm de long. GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin ; Sacra conversazione. Anselmo, Zorio, Penone, 1962-74, serigraphie sur acier inoxydable poli, 230 x 125 cm. Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, Biella. Photos: © Antoine Mongodin

 

Cette entrée a été publiée dans Expositions.

0

commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*