Les scènes de Jean Cocteau
De la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer à la salle des mariages de la mairie de Menton, en passant par la villa Santo Sospir de Saint-Jean Cap-Ferrat, on ne compte plus les interventions de Jean Cocteau sur la Côte d’Azur. Il faut dire que le poète y a vécu de longues années, depuis un premier séjour à Villefranche pour se consoler de la mort de Radiguet et fumer de l’opium jusqu’aux dernières années de sa vie souvent passées dans la villa de Francine Weisweiller à Saint-Jean, dont il recouvrit les murs de fresques. Mais jamais aucun lieu d’envergure n’avait regroupé ses œuvres. C’est désormais chose faite avec le Musée Jean Cocteau qui est ouvert depuis novembre 2011 à Menton.
Drôle de musée, en vérité, car il est né de la donation qu’a faite Séverin Wunderman, un collectionneur américain né en 1938, qui avait fait fortune dans la joaillerie, et qui se passionna pour l’œuvre de Cocteau au point de réunir quelques 1800 pièces, dont plus de la moitié de la main du poète et d’autres d’artistes qui lui étaient proches tels que Picasso, Modigliani ou Christian Bérard. Souhaitant faire revenir en France cette collection exceptionnelle, il tomba sous le charme de Menton et décida d’y léguer son trésor. Après un accord avec la Mairie, un concours européen fut lancé pour construire le musée et c’est Rudy Ricciotti, à qui on doit aussi le récent Mucem de Marseille, qui le remporta. Il édifia un bâtiment élégant, aux lignes claires, mais dont l’aspect extérieur, fait de multiples piliers torves, se laisse difficilement appréhender dans sa globalité, un peu à l’image de l’œuvre de Cocteau elle-même, que le poète qualifiait « d’objet difficile à ramasser ».
Changeant régulièrement ses accrochages, le Musée présente, depuis l’hiver dernier, une exposition intitulée « Rouge et Or » et consacrée au théâtre de Cocteau. On y voit donc maquettes, peintures et dessins de ce qui fut une des activités principales du poète. L’exposition s’ouvre sur une série de portraits d’acteurs qui fascinèrent le jeune Cocteau tels Sarah Bernhardt, bien sûr, mais aussi Réjane ou de Max. Elle se poursuit avec des esquisses des Mariés de la Tour Eiffel, le ballet dont Cocteau écrivit l’argument et qui fut représenté au Théâtre des Champs-Elysées en 1921. Une autre salle est consacrée à la passion que Cocteau éprouvait pour les grands interprètes et aux monologues qu’il écrivit pour eux, comme La Voix humaine pour Berthe Bovy ou Le Bel Indifférent pour Edith Piaf (avec une étonnante suite de lithographies de Bernard Buffet reproduisant le texte de La Voix humaine). Puis c’est la tragédie grecque et la relecture qu’il en fit avec des pièces comme Antigone qui sont abordées. La rencontre avec Jean Marais lors des Chevaliers de la Table ronde en 1937, une pièce qui participe de la même volonté de modernisation des mythes, n’est bien sûr pas oubliée. Enfin une dernière salle, en sous-sol, montre l’adaptation cinématographique que Cocteau fit lui-même de ses pièces et la manière dont il dépassa la notion de « théâtre filmé ».
Bien mise en espace, avec de nombreuses archives visuelles et sonores et des outils pédagogiques performants, cette exposition, qui n’a pas un souci d’exhaustivité, est une halte agréable dans la région et un bel hommage à celui à qui on a décerné le titre de « prince des poètes ». A noter que les espaces contemporains proposent une exposition Lucien Clergue, qui a fait don au Musée de 240 photographies, la plupart réalisées sur le tournage du Testament d’Orphée, l’ultime long-métrage de Cocteau.
Musée Jean Cocteau collection Séverin Wunderman, 2 quai de Monléon 06500 Menton, www.museecocteaumenton.fr
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