de Patrick Scemama

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La République de l'Art
L’EAC fête ses 30+1 ans

L’EAC fête ses 30+1 ans

C’est à une curieuse expérience que vient de se livrer l’Espace de l’Art concret (EAC) de Mouans-Sartoux pour fêter son 30+1 anniversaire : faire revivre un certain nombre d’expositions considérées comme marquantes depuis la création du centre en remontrant des pièces qui y figuraient et en les associant à d’autres appartenant à la Collection Lambert, qui a vu le jour à peu près dans les mêmes années. C’est ainsi que dans l’hommage à l’exposition inaugurale de 1990, Le Carré libéré, une exposition qui explorait l’évolution de cette forme, depuis le Carré noir sur fond blanc de Malevitch, jusqu’à des expressions plus modernes et plus subjectives, on peut voir des œuvres de Larry Bell, François Morellet ou Günther Uecker qui font partie de la Collection Albers-Honegger sur laquelle est fondée l’EAC, mais aussi une sculpture de Sol Le Witt qui provient de la Collection Lambert. Ou que dans la salle qui renvoie à Art au sol, une exposition qui était une réflexion autour du thème du tapis, on trouve des œuvres de Alan Charlton, de John Armleder ou de Gottfried Honegger qui sont dans leurs murs, tandis que les œuvres de Carl Andre ou de Robert Mangold proviennent de la Collection abritée à Avignon. Enfin, le plus troublant est dans la dernière salle : là, on est face à deux « Empreintes » de Toroni, deux toiles de Buren et deux sculptures de Donald Judd qui sont étonnamment semblables et qui appartiennent pour moitié à l’une et pour moitié à l’autre.

Cette complémentarité présente des avantages, elle permet d’aller plus loin dans le développement de certains sujets et montre la pertinence et la richesse de la collection Albers-Honegger. Dans la salle consacrée au Cri et à la Raison, une exposition qui mettait en parallèle deux des grandes formes d’expression de l’art du XXe siècle, à savoir l’art constructif ou conceptuel d’un côté et l’art expressionniste de l’autre, on ne peut qu’apprécier le fait de voir des photos brûlées de la série Self Portrait of You+Me de Douglas Gordon, issues de la Collection Lambert, qui, d’une certaine manière, font le pont entre les deux. Mais elle incite aussi à faire la comparaison entre les deux collections qui ont pour base l’art minimal et l’abstraction géométrique et qui, même si elles ont des fondements communs, présentent deux tendances de l’art contemporain. Et là, on n’est pas sûr que la comparaison joue en faveur de la Collection Albers-Honegger, car si celle-ci est restée fidèle aux dogmes de l’art construit et à ceux qui les ont perpétués, elle ne s’est jamais ouverte à la figuration ou à des supports autres que le volume ou la peinture, comme a pu le faire la Collection Lambert au même moment. Et du coup, c’est cette dernière qui semble plus moderne, qui semble avoir davantage compris l’esprit du temps.

Ce qui ne veut pas dire que l’EAC appartienne au passé et qu’il s’est coupé de la création contemporaine. Bien au contraire. D’ailleurs, dans le cadre du 20e anniversaire du Prix Marcel Duchamp, il accueille, comme une dizaine d’autres centres d’art aujourd’hui en France, une sélection d’artistes qui ont été nominés à ce prix (mais qui ne l’ont pas forcément remporté), avec pour thème la Méditerranée, mais une Méditerranée qui échappe aux clichés auxquels on l’associe trop souvent. C’est ainsi qu’aux cotés d’une très forte installation d’Enrique Ramirez -qui bénéficie en ce moment d’une exposition à l’Ecole de la photographie d’Arles- sur les migrants en mer, on peut voir une triple vidéo de Zineb Zedira sur les rapports entre cultures et générations, une installation très théâtrale de Latifa Echakhch, les irrésistibles et bien connues fantaisies sous-marines de Philippe Ramette ou une bétonneuse qui brasse des clous de girofle et fait référence tout autant au métier de son père (maçon) qu’aux odeurs de la cuisine de sa mère de Kader Attia. Il ne faut pas davantage chercher de lien entre les différentes œuvres exposées, mais elles sont belles et rappellent à quel point la création française est de qualité et mérite qu’on la soutienne.

Enfin, dans la galerie du Château, l’exposition consacrée à Vera Molnar, Pas froid aux yeux, est prolongée jusqu’en septembre. L’occasion de voir le travail de cette artiste presque centenaire, qui fut une des pionnières de l’abstraction géométrique, mais aussi dans l’utilisation des outils informatiques. Et une raison de plus de se rendre dans ce lieu au parc ombragé que l’on aime bien, qui a toujours une programmation intéressante et attachante et dans lequel on est heureux de revenir.

-L’exposition Revenir vers le futur (Collection Lambert et Donation Albers-Honegger) se tient jusqu’au 3 avril 2022 et l’exposition Miroir du ciel, consacrée au Prix Marcel Duchamp, jusqu’au 3 octobre 2021, à l’Espace de l’art concret, Château de Mouans, 06370 Mouans-Sartoux (www.espacedelartconcret.fr)

Images : vues de l’exposition Revenir au futur : 1) Fritz GLARNER, Tondo, 1965. FNAC 02-1221 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux ; Marcel BREUER, Fauteuil Wassily, 1925. FNAC 02-1142 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux ; Max BILL, Zwei Zonen – Dunkel und Hell, 1970. FNAC 02-1130 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux © photo eac. © Adagp, Paris 2021 ; 2) Niele TORONI, Empreintes de pinceau n°50 répétées à intervalles réguliers (30 cm), 1983 Collection privée, Paris / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon ; Donald JUDD, Sans titre, 1969/1970. FNAC 02-1256 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux ; Donald JUDD, Sans titre, 1969. FNAC 2014-0430 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à la Collection Lambert, Avignon ; Daniel BUREN, Sans titre, 1971 Collection privée, Paris / Dépôt à la Collection Lambert, Avignon ; Daniel BUREN, Sans titre, 1970. FNAC 02-1144 Centre national des arts plastiques, Paris – Dépôt à l’Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux © photo eac. © Adagp, Paris 2021 ; vue de l’exposition Miroir du ciel : Philippe Ramette, Exploration rationnelle des fonds sous-marins, Le contact, 2006 , Courtesy de l’artiste et galerie Xippas, Paris© crédit photo Marc Domage © Adagp, Paris 2021

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