de Patrick Scemama

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La République de l'Art
L’été de Saint-Paul

L’été de Saint-Paul

L’évènement de l’été, à Saint-Paul-de-Vence, c’est la réouverture – avec une exposition consacrée à Jean-Paul Riopelle – de la Fondation Maeght, après plusieurs mois de travaux qui lui ont permis d’agrandir ses espaces de monstration (on y revient bientôt). Et une exposition Toroni à la Fondation CAB. Mais d’autres manifestations viennent animer le célèbre village provençal, comme la Biennale de sculptures, qui en est à sa troisième édition. Après une première autour de sculptures mises en scène pour « habiter » et faire vivre le territoire, une deuxième consacrée au regard de jeunes créateurs sur le village, cette dernière s’inspire de l’univers et de la symbolique des oiseaux. Elle a été confiée à deux jeunes commissaires, Ludovic Delalande et Claire Staebler, qui ont eux-mêmes sélectionnés une douzaine d’artistes d’origines et de générations différentes, qui ont utilisé une pluralité de médiums (sculpture, installation, son, tapisserie, vidéo) pour évoquer cette figure, souvent si fragile et si poétique, du volatile.

Cela va de Tadashi Kawamata, qui a construit ses fameux nids en bois dans plusieurs endroits de la ville, à Jean-Marie Appriou qui a conçu des flamands roses en bronze qui font penser à des animaux mythologiques, en passant par Xavier Veilhan (un oiseau en aluminium qui apparait dans une forme générique), Alex Ayed qui a construit des pigeonniers en pisé, Katia Kameli qui a imaginé un oiseau en grès qui fait de la musique en fonction du vent, Diana Thater qui rassemble, dans une installation immersive, un perroquet et un enfant pour un improbable dialogue, ou encore James Webb qui fait entendre, comme venus des arbres, des chants d’oiseaux d’Afrique du Sud qui transforment, sans le déranger, l’écosystème du lieu. Mais deux propositions se distinguent plus particulièrement : celle de Giulia Andreani qui est une tapisserie représentant Rosa Luxembourg et ses oiseaux (présentée dans la Chapelle du cimetière où est enterré Chagall) et celle, hilarante, de Petrit Halilaj, qui plutôt que de figurer un oiseau, lui qui les affectionne tant, a choisi de n’en montrer que la trace : il a peint au pochoir dans différents endroits du village des traces de pattes signalant son passage. Comme les œuvres sont disséminées un peu partout dans le village et qu’on se repère grâce à une carte, cette Biennale s’apparente autant à une déambulation à travers les rues qu’à un joyeux jeu de pistes, qui réjouira petits et grands.

A Saint-Paul aussi, la toujours pointue galerie Catherine Issert consacre une nouvelle exposition à ce merveilleux artiste qu’est Gérard Traquandi. Elle est intitulée D’un été l’autre et rassemble des œuvres qui évoquent la chaleur, la lumière, l’élément aquatique. On y voit parallèlement les grandes toiles abstraites qui sont la marque de l’artiste et qu’il réalise sans pinceau, par frottement ou glissement, en laissant une certaine place au hasard, et les petits formats figuratifs, représentant des fruits, des fleurs ou des nageurs, et qui sont des peintures sur papier, dans l’esprit de ceux qu’il avait commencés à faire pendant le confinement et qu’il avait montrés il y a deux ans au Musée Cantini de Marseille (Gérard Traquandi, la délicatesse incarnée – La République de l’Art (larepubliquedelart.com)). Mais il est faux d’opposer abstraction et figuration, car, chez Gérard Traquandi, les deux s’imbriquent l’un dans l’autre, les grandes toiles abstraites relevant d’une observation de la nature réduite à son essence, tandis que les petites scènes figuratives sont le témoignage d’un moment fugace, d’une illumination, en ce sens d’une abstraction. Quoiqu’il en soit, tout ce que conçoit cet artiste semble touché par la grâce, la sensualité, la délicatesse (même si, aux peintures sur papier, on préfère les aquarelles, qui nous semblent plus en phase avec sa pratique). Cette plongée dans l’été « traquandien » se révèle apaisante et sereine. Elle n’a pas peur de mettre en avant des qualités que l’art contemporain a trop souvent négligées : le plaisir et le sens du beau.

-Biennale de sculptures de Saint-Paul-de-Vence, jusqu’au 1er octobre dans tout le village (www.bis-art.com)

-Gérard Traquandi, D’un été l’autre, jusqu’au 23 septembre à la galerie Catherine Issert (www.galerie-issert.com)

Images : Tadashi Kawamata, Nests in Saint-Paul-de-Vence, 2023, Courtesy of the artist and Mennour Paris, Photo Frédéric Pasquini ; Giulia Andreani, Tsvi-Tsvi, 2023, Courtesy Galerie Max Hetzler, Berlin, Paris, Londres, ADAGP Paris 2023, Photo Frédéric Pasquini ; vue de l’exposition Gérard Traquandi à la galerie Catherine Issert

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