de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Au Centre Pompidou-Metz, Elmgreen & Dragset nous souhaitent bonne chance

Au Centre Pompidou-Metz, Elmgreen & Dragset nous souhaitent bonne chance

Issu de la scène et des arts vivants, Elmgreen & Dragset, le célèbre duo d’artistes dont il a plusieurs fois été question dans ces colonnes (cf Légèretés 2: Elmgreen & Dragset – La République de l’Art (larepubliquedelart.com)), a souvent conçu des installations qui étaient comme des pièces de théâtre sans personnages. Comme, par exemple, lors de la Biennale de Venise où ils avaient transformé les pavillons nordiques en la demeure à vendre d’un riche collectionneur gay dont le corps flottait dans la piscine. Ou comme au Victoria and Albert Museum de Londres, où ils avaient reconstitué l’appartement d’un architecte esthète qui avait disparu et dont on pouvait reconstituer l’identité à travers les traces qu’il avait laissées derrière lui. « Dans le champ des arts visuels, expliquent-ils, raconter des histoires a été comme frappé d’interdit, presqu’un tabou, et c’est ce qui est passionnant à nos yeux ». D’ailleurs, même lorsqu’ils ne mettent pas en scène d’histoire particulière, comme lors de leur dernière exposition à la galerie Perrotin, cet automne, ils créent des pièces qui sont elles-mêmes porteuses d’un fort pouvoir fictionnel, comme la mini installation qu’ils avaient imaginée et qui montrait des enfants qui portaient un casque de réalité virtuelle et semblaient totalement perdus dans l’univers de miroirs qui les reflétaient.

L’exposition qu’ils présentent actuellement au Centre Pompidou-Metz, Bonne Chance, appartient à cette seconde catégorie. Elle ne raconte pas vraiment une histoire -ou un début d’histoire- à partir de laquelle le spectateur pourrait laisser vagabonder son imagination, mais propose un certain nombre de situations auxquelles chacun a été ou pourrait être confronté et face auxquelles il peut être amené à réagir. En fait, elle est née de la scénographie labyrinthique de la précédente exposition qu’Elmgrenn & Dragset ont souhaité garder et qu’ils ont quelque peu adaptée. Dans ce parcours sinueux, ils ont installé des pièces qui existaient déjà et d’autres qu’ils ont créées spécifiquement pour le lieu. Elle se déploie sur trois niveaux, du Forum à la Grande Nef jusqu’à la terrasse de la Galerie 2, où se trouve une œuvre qui est un peu un résumé de l’exposition toute entière (un jeune garçon, les jambes dans le vide, qui tourne le dos à un portique, sur lequel attend un vautour, qui laisse supposer que c’est déjà un miracle d’arriver jusque là!). On peut s’y perdre, quitte à passer à côté de certaines choses, ou suivre le parcours qui est proposé par le petit livret qui accompagne l’exposition et qui la présente comme un vrai jeu de pistes.

Alors que voit-on dans ces couloirs dont les murs cassés servent parfois d’abris à de petites surprises et qui coïncident avec l’exposition sur l’art et les jeux vidéo que le musée propose parallèlement ? Des choses étranges, à la fois familières et surréalistes, là une salle où il faut attendre son tour (mais pour entrer où ?), là un studio de télévision qui semble prêt pour un enregistrement mais où aucun invité n’intervient, là une scène de théâtre où les projecteurs sont braqués sur nous et où des applaudissements crépitent dès qu’on la foule, là une roue de la fortune qui tourne à l’infini sans que personne ne gagne ni ne perde, là une morgue, etc., etc. Il serait fastidieux d’énumérer tous les dispositifs que nous soumet le duo facétieux, mais il faut juste préciser que l’exposition est d’une grande ampleur. Le titre, Bonne Chance, est peut-être le meilleur indice. Dans une conversation entre deux professeurs qui est retransmise par une radio, on entend ceci : « En fait, le problème de la chance, c’est qu’elle arrive quand elle arrive. Mais bien sûr pour la saisir, il faut ouvrir l’œil…et l’esprit. »  Et c’est à cela que nous invite l’exposition, avec bien sûr une bonne dose d’humour : à ouvrir l’œil et à tenter notre chance. Peut-être y réussirons-nous dans ce monde où le pouvoir se fait sentir jusque dans son architecture machiste ou peut-être resterons-nous sur le bord de la route, comme ce bébé abandonné devant un distributeur automatique. Quoiqu’il en soit, la fin est inéluctable.

Jubilatoire et troublante, cette exposition est peut-être moins « gay » que les précédentes d’Elmgreen & Dragset, qui ont fait de l’identité homosexuelle un des moteurs de leur réflexion et à qui on doit, à Berlin, le Monument aux homosexuels déportés par les nazis. Encore que dans une voiture garée dans le forum du musée, un couple de garçons est enlacé tendrement et que les lits superposés qui ne sont plus l’un sur l’autre, mais l’un face à l’autre évoque le désir du même sexe. Cette dimension est en revanche bien présente dans le travail d’Emmanuel Guillaud, cet artiste qui pratique la photo et la vidéo et dont j’avais déjà dit quelques mots précédemment, lors d’une exposition au Pavillon Vendôme de Clichy (cf Patrick Neu: simplicité confondante – La République de l’Art (larepubliquedelart.com)). Il a fait évoluer son champ d’intervention et souhaite poursuivre une expérience immersive inédite, dans laquelle des images de kimonos sont projetées sur le corps des performers, expérience dont il avait donné une première version lors d’un récent festival Artdanthé à Vanves. « Public et danseur·ses y rencontrent d’étranges et sensuels fantômes, précise-t-il. Ces derniers sont librement inspirés des conceptions émancipatrices du désir issues du Japon ancien et de l’éco-queer contemporain. »

Mais pour que l’aventure se poursuive, cet artiste qui s’est déjà produit au Musée d’art contemporain de Tokyo, au Singapore Art Museum et à la Collection Lambert et qui se retrouve à la tête d’une véritable petite structure, a besoin d’argent. Sa compagnie de danse lance donc une campagne de mécénat. Les dons sont défiscalisés puisque 66% sont remboursés sous forme de remise d’impôt. Les collectionneurs sont remerciées en recevant un tirage photo parmi les vingt qu’il a réalisés pendant ses performances. Pour accéder à la campagne de mécénat, il faut cliquer sur le lien suivant : Création de « i’ll lick the fog off your skin » (helloasso.com) et pour le choix des photos, qui vont de 479 à 660€ après déduction fiscale, sur celui-ci : Campagne de mécénat d’altered spaces.pdf | Avec la technologie Box. Juste avant Noël, c’est l’occasion de se faire plaisir avec des photos très belles et très sensuelles et d’aider un projet innovant à voir le jour.

-Elmgreen & Dragset, Bonne Chance, jusqu’au 1er avril 2024 au Centre Pompidou-Metz (www.centrepompidou-metz.fr)

Images : Elmgreen & Dragset, Bonne Chance Studio, 2023, Néon, chaises, table et équipement audiovisuel, dimensions variables, Courtesy les artistes © Adagp, Paris, 2023 © Pace Gallery / Photo Andrea Rossetti et Héctor Chico ; Elmgreen & Dragset, Social Media (Terrier), 2022, Acier inoxydable brossé, laque, moteur, résine et fausse fourrure, Ø 206 x 106 cm, Courtesy Perrotin , The Drawing, 2023 Figure en silicone, vêtements, papier et crayon, 55 x 73 x 40 cm  Courtesy MASSIMODECARLO © Adagp, Paris, 2023 © Pace Gallery / Photo Andrea Rossetti et Héctor Chico ; Elmgreen & Dragset, Rite of Passage, 2014 Clôture en acier galvanisé et vautour naturalisé, 340 x 500 x 160 cm, Courtesy les artistes, The Wait, 2014, Figure en silicone, vêtements, 110 x 60 x 50 cm, Collection privée, Suisse © Adagp, Paris, 2023 © Pace Gallery / Photo Andrea Rossetti et Héctor Chico ; une photo d’Emmanuel Guillaud

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