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La République de l'Art

Château La Coste: l’art dans les vignes

C’est l’été et le moment de voir de l’art autrement que dans  les salles fermées des musées ou les white cube des galeries. En plein air et pourquoi pas au milieu de vignes. C’est l’expérience que proposent désormais plusieurs domaines viticoles et en particulier le Château La Coste situé à une vingtaine de kilomètres d’Aix-en-Provence, au pied du somptueux Parc National du Lubéron. Là, au milieu d’un vignoble de 200 hectares, parmi les pins et les chênes et sous la lumière transparente du ciel provençal, ce sont une trentaine d’œuvres signées par quelques-uns des plus grands artistes du moment qui se cachent et que le visiteur, muni d’une carte et d’une feuille explicative, doit découvrir par ses propres moyens (une visite guidée est possible, mais qui se fait à pieds également). On s’aventure donc sur les sentiers, prêt à l’exercice physique (la randonnée dure environ 2 heures, mieux vaut prévoir de bonnes chaussures) et on est tout de suite happé par la beauté et l’harmonie du paysage environnant.

Le premier artiste auquel on est confronté (on ne peut pas y échapper, puisque c’est lui qui a conçu le centre d’art), c’est Tadao Ando, à qui François Pinault a confié, à Venise, l’aménagement de ses musées. Connu pour son minimalisme élégant, alliant modernité et tradition, et l’utilisation des matériaux bruts comme le béton et le fer, l’architecte japonais a imaginé un bâtiment d’accueil d’une grande pureté, qui s’intègre comme en le prolongeant au paysage provençal et qui dessine une sorte d’angle à 45 degrés  sur une pièce d’eau d’où émergent un mobile de Calder, une araignée de Louise Bourgois et une sculpture de Hiroshi Sugimoto évoquant le concept abstrait de l’infini. Mais on retrouve Tadao Ando tout au long du parcours : d’abord avec des bancs en origami qui permettent de s’assoir pour se reposer et contempler le paysage, ensuite avec une œuvre incroyable, Pavillon, Four Cubes to Contemplate our Environnement, un pavillon japonais à l’intérieur duquel sont placés quatre cubes qui invitent le spectateur à prendre conscience des dangers écologiques qui menacent la planète et enfin avec la chapelle située à l’extrémité du domaine.

Tadao Ando -Art Centre- 2011 © Tadao Ando et Château La Coste 2016. Photograph © Andrew Pattman 2016Cette œuvre est d’ailleurs une des plus belles et des plus émouvantes de tout le parcours. Il s’agit d’une chapelle du XVIe siècle consacrée à St Gilles qui était en ruine lorsque l’architecte japonais vint pour la première fois à La Coste, mais à laquelle il eut envie de donner une seconde vie. Pour ce faire, il la fit restorer et l’encercla dans une armature en taule et en verre qui est caractéristique de son écriture. A l’intérieur, il plaça un autel transparent en verre et une croix en plexiglas que l’on devine uniquement par la lumière qui entre par de petites meurtières ouvertes dans le mur du fond et qui plonge l’ensemble dans une pénombre bienveillante et sereine. C’est un espace de méditation très zen où l’on est invité à s’asseoir et qui offre, de l’extérieur, une vue unique sur les alentours. Devant, une magnifique croix en verre de Murano rouge de Jean-Michel Othoniel a été érigée, qui fait bien sûr autant référence à la transubstantation de la messe catholique qu’aux vignes qui poussent tout autour.

Car certains artistes ont pensé leurs œuvres – qui, à l’exception du mobile de Calder, ont toutes été créées in situ- en fonction du vignoble. C’est le cas de Tracey Emin, par exemple, qui, avec Self Portrait-Cat in a Barel, propose une barrique de vin en chêne à l’intérieur de laquelle un chat en porcelaine a été placé et qu’on ne peut voir que par un trou creusé en son milieu. On y accède par un chemin étroit menant une plateforme faite en acier qui surplombe la vallée et l’esthétique militariste, industrielle de cet accès contraste avec la fragilité du chat contenu à l’intérieur du tonneau.

Tom Shannon, Drop, 1Mais la plupart des autres artistes ont surtout voulu interagir avec le cadre grandiose dans lequel ils intervenaient. C’est la cas, par exemple, de Richard Serra, qui a disposé trois énormes plaques en acier sur trois niveaux différents, dialogue entre la nature et la civilisation ; de Liam Gillick qui a conçu une structure de panneaux colorés en acier et aluminium à l’intérieur desquels le spectateur peut pénétrer et qu’il peut déplacer à sa guise ; de Paul Matisse (le petit-fils d’Henri), qui élaboré une « cloche de méditation » (Meditation Bell), que ce même spectateur peut actionner et qui émet un son qui dure plusieurs minutes ; ou de Tom Shannon, un artiste et inventeur américain (il a breveté le premier téléphone à écran tactile), qui a imaginé une Goutte, The Drop, en acier inoxydable poli, une structure qui tourne mystérieusement sur elle-même, comme libérée des lois de l’apesanteur, et sur laquelle se reflètent les deux chênes majestueux entre lesquels elle a été placée.

Mais si l’art est à la fête (on pourrait aussi citer Wall of Light Cubed, une impressionnante sculpture de pierres de Sean Scully, Oak Room, une structure en rondins de chêne d’Andy Goldsworthy ou House of Air, une installation de Lee Ufan d’un raffinement absolu), l’architecture ne l’est pas moins. Outre Tadao Ando déjà cité, les plus grands architectes de l’époque ont été invités à intervenir sur le domaine.  Frank Gehry a construit rien moins qu’un Pavillon de Musique, qui rappelle, en plus petit, celui conçu pour le Millenium Park de Chicago ; Jean Nouvel est responsable du Chais de vinification, Jean-Michel Wilmotte de la salle d’exposition et Renzo Piano du Pavillon d’exposition, qui partage son espace entre les expositions de sculpture et de photographies et la conservation du vin.
Cet été, une exposition de photos de la sublime série The Sea and the Mirror de Sugimoto y est présentée (attention visite uniquement à 13h et à 17h accompagnée) et la première exposition monographique de Tracey Emin en France, Surrounded  by you, est proposée à la galerie Jean-Michel Wilmotte. On est moins convaincu par les peintures et les sculptures de l’ex « enfant terrible » des Young British Artists que par ses très sensuels dessins et gravures, mais pour la qualité exceptionnelle des œuvres présentées, on se rend sans hésiter au Château La Coste, où l’on peut aussi faire une halte gastronomique et une dégustation de vins, en prenant garde, toutefois, d’éviter les heures les plus chaudes.

 

-Château La Coste, 2750 route de la Cride, 13610 Le Puy Sainte Réparade (www.chateau-la-coste.com). Exposition Tracey Emin (Surrounded by you), jusqu’au 31 août, exposition Sugimoto (The Sea and the Mirror), jusqu’au 3 septembre.

 

Images: Château la Coste, Jean-Michel Othoniel, Croix, 2007-2008, © ADAGP 2017 ; Centre d’art © Tadao Ando et Château la Coste ; Tom Shannon, Drop, 2009 © Tom Shannon et Château La Coste. Photos : Andrew Pattman, 2017

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commentaires

2 Réponses pour Château La Coste: l’art dans les vignes

Udnie dit :

Farideh Cadot à fermé le ban…

Patrick Scemama dit :

Toujours triste, une galerie qui ferme.

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