de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Giacometti king size

Giacometti king size

Chaque année, sauf l’an passé bien sûr, et en alternance avec des expositions historiques, le Grimaldi Forum de Monaco propose, pendant l’été une grande rétrospective consacrée soit à un artiste majeur du XXe siècle, soit à un mouvement ou à une collection. Il y eut Dali, Bacon, Warhol, Picasso et la Côte d’Azur, Le Suprématisme russe ou Art Lovers, Histoires d’art dans la collection Pinault. Bref, à chaque fois des valeurs sûres, destinées à faire venir le plus grand nombre, mais qui se distinguent en général par une présentation intelligente et soignée.
Cette année, c’est au tour de Giacometti, qui est aussi fêté, avec les membres de sa famille, à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence. L’exposition a pour sous-titre Le Réel merveilleux, une expression que l’artiste utilisait fréquemment et qui prouve à quel point il s’est toujours attaché, même dans sa période la plus abstraite, à représenter des choses du quotidien, les objets de son atelier, les êtres aimés, les lieux dans lesquels il a vécu, etc. Elle est chronologique. On commence donc par les peintures de jeunesse, qui représentent les membres de sa famille (et en particulier son frère Diego), pour aller vers les premières sculptures, les Têtes, mais aussi les sculptures cubistes que Giacometti réalise lorsqu’il s’installe à Paris, puis les œuvres surréalistes, lorsqu’il se lie avec Breton et adhère au mouvement, puis les peintures au noir, inspirées du Fayoum, celles de sa femme Annette et de quelques proches, puis les sculptures d’après-guerre, dont les formes s’allongent et qui deviennent le style par lequel l’artiste est immédiatement reconnaissable, pour aboutir enfin à son œuvre la plus emblématique, L’Homme qui marche. Certaines salles sont aussi thématiques, comme celle consacrée aux paysages ou celle qui rassemble les natures mortes. L’ensemble est exceptionnel et on y voit certes des œuvres que l’on a déjà souvent vues ailleurs, mais aussi d’autres, que l’on connaît moins bien, comme cette incroyable Femme cuillère, qui est la seule sculpture de grand format de la fin des années 20 créée par Giacometti et qui, avec sa forme anthropomorphe, renvoie directement à l’art africain.

Mais, s’il est évidemment difficile de se tromper avec un artiste de cette trempe, l’exposition tire surtout sa force de ses partis-pris. Le Grimaldi Forum dispose de beaucoup d’espace et les commissaires ont eu l’intelligence de ne pas le saturer d’œuvres, de sélectionner intelligemment plutôt que de chercher à être exhaustif (même si près de 230 pièces sont quand même présentes). Surtout, ils n’ont pas hésité à ne montrer parfois qu’une seule œuvre par salle, comme dans la section intitulée « Aux limites de la sculpture » ou celle consacrée à L’Homme qui marche, pour faire ressortir toute sa force et sa puissance expressive. Et ils ont fait en sorte que le spectateur puisse avoir un rapport direct aux œuvres, en les montrant certes sur des présentoirs, mais en permettant qu’on tourne autour et sans trop de distance avec elles. Enfin, une salle animée par des photos et différents écrans raconte la relation amicale qu’eut Giacometti avec le professeur de philosophie japonais Isaki Yanaihara, qui posa à de multiples reprises pour lui. C’est le genre d’installation immersive et spectaculaire qu’apprécie le grand public, mais qui permet une véritable plongée dans l’intimité du travail de l’artiste.

Enfin, une courte archive visuelle montre Giacometti en train de réaliser un portait du compositeur Stravinsky (ce portrait devait servir à illustrer la pochette d’un de ses disques). A cette occasion, le journaliste présent interroge le sculpteur sur ses rapports avec Picasso, qu’il a beaucoup fréquenté, tout comme Stravinsky d’ailleurs. « Vous ne semblez pas beaucoup l’apprécier », lui dit le journaliste. « C’est un monstre », répond-il en substance, sans qu’on sache s’il s’agit d’un reproche moral ou d’une forme de compliment (au sens de « monstre de créativité »). Et son insatisfaction devant ses esquisses de portrait, le dédain même avec lequel il aborde ce dessin qu’il juge mauvais, montre l’exigence et la rigueur de cet artiste qui fit de tout son œuvre une quête de l’authenticité et de la vérité.

Alberto Giacometti, Le Réel merveilleux, jusqu’au 29 août au Grimaldi Forum, 10 avenue de la Princesse Grace 98000 Monaco (www.grimaldiforum.com)

Images : Alberto Giacometti ,Grande femme I, 1960, Bronze ; 272 x 34,9 x 54 cm, Collection Fondation Giacometti, © Succession Alberto Giacometti (Fondation Giacometti, Paris + Adagp, Paris) ; Têtes d’homme, vers 1959, Stylo bille sur papier

18,3 x 13,6 cm, Collection Fondation Giacometti © Succession Alberto Giacometti (Fondation Giacometti, Paris + Adagp, Paris)

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commentaire

Une Réponse pour Giacometti king size

Gascon dit :

J’ai vu l’expo de la Fondation Maeght. Elle est très belle aussi.

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