de Patrick Scemama

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La République de l'Art
La Galerie de Multiples

La Galerie de Multiples

« Rendre l’art contemporain accessible au plus grand nombre par l’acquisition d’une œuvre à prix modique » : telle était l’ambition que s’était fixée Gilles Drouault en constituant, en 2002, avec Sandrine Balleydier, une SARL intitulée « Les Multiples ». Ou encore : « comment hériter d’une utopie comme le Bauhaus, qui voulait introduire l’art dans la vie de tous les jours, quand l’utopie n’est plus possible ? » Car pour cet ancien graphiste, qui avait fait des études d’histoire de l’art et de cinéma et qui avait déjà une expérience de galerie associative à Montpellier, le multiple n’est en rien un produit dérivé ou une alternative à l’œuvre originale : c’est une œuvre d’art en soi. « Je ne connais que deux types d’œuvres, se plait-il à dire : les œuvres uniques et les multiples. Dès qu’une œuvre est éditée en deux exemplaires, c’est un multiple. Il y a bien sûr des lois qui fixent ce qui relève de l’œuvre d’art et ce qui relève du multiple, mais c’est surtout lié à des problèmes de fiscalité. Sur le plan artistique, cela ne change rien. Mes deux multiples préférés sont « l’Urinoir » de Duchamp (qui a été cassé et refait plusieurs fois) et la « Marylin » de Warhol ».

Au début, le but de la SARL est de se situer entre design et art et de produire des objets qui ouvrent sur cette double perspective.  Mais la rencontre avec Mathieu Mercier, un jeune artiste que lui a présenté Claude Lévêque et qui vient d’avoir sa première exposition dans la galerie que son ex-compagne a ouverte à Marseille, va quelque peu modifier le projet de Gilles Drouault. Ce seront davantage des éditions d’artistes que va produire la SARL et ils vont les montrer dans une galerie à laquelle Mathieu Mercier s’associera et pour laquelle il va produire plusieurs multiples. Aussitôt dit, aussitôt fait et les compères ouvrent un petit local, un an plus tard, dans le Marais, rue de Montmorency :  la Galerie de Multiples est née. « Dans les premiers temps, nous faisions des expositions dans mon bureau et je continuais mon activité de graphiste pour financer le tout. Mais l’idée de base était là : celle d’être à la fois une structuré éditrice et une galerie en tant que telle. Bien sûr, nous avons aussi vendu des lithographies, des photos, des pièces en volume, bref de tous médiums confondus, qui existaient déjà, mais que personne ne montrait ou ne commercialisait. Et très vite nous avons fait venir à nous (aussi grâce au réseau de connaissances de Mathieu), des artistes  pour qui l’idée de multiples faisait sens et produit avec eux des pièces de grandes qualités : Saâdane Afif, Daniel Buren, Stéphane Calais, Claude Closky, Matthew McCaslin, Hans Schabus, Xavier Veilhan, entre autres. »

!cid_3784619F-D1CE-470C-A327-4BF75D991D2A@homeLe succès aidant, la galerie déménage et s’installe dans un espace plus grand, rue Saint-Gilles, où elle est encore actuellement.  Et elle acquiert alors un statut et une visibilité qui changent quelque peu ses relations avec les autres galeries : « C’est vrai que certains nous ont un peu vus comme des concurrents et ont été un peu jaloux de notre relation directe avec les artistes. Mais la plupart nous ont aidé et soutenus, car nous ne marchions pas sur leurs plate-bandes. » Avec Mathieu Mercier, toutefois, l’entente n’est plus au beau fixe; il ne se retrouve pas complètement dans cette nouvelle organisation : « Nos ambitions n’étaient plus les mêmes et Mathieu avait sa propre carrière à gérer. Au bout d’un moment, il était nécessaire que nos chemins se séparent ».  Gilles Drouault se trouve seul alors à diriger la galerie, il fait entrer dans le capital de la société Stefan Nikolaev, un artiste qui a produit plusieurs belles pièces pour lui, et Irène Varano, une de ses plus fidèles collaboratrices, et continue son activité en participant aux plus grandes foires (dont la prestigieuse Foire de Bâle) et en s’ouvrant sur l’extérieur (la galerie a été associée pendant un an au Palais de Tokyo où elle a produit de superbes éditions en collaboration avec les artistes qui y exposaient).

En cette rentrée, la galerie, qui s’est recentrée sur la rue Saint-Gilles, a changé la disposition de ses murs et a présenté le travail passionnant d’un jeune artiste polonais, Paul Czerlitzki (cf. http://larepubliquedelart.com/la-rentree-des-galeries-parisiennes/). Et, ô surprise !, les œuvres qui sont présentées ne sont plus des multiples mais des pièces uniques (même si certaines font partie de ce qu’on pourrait appeler une « série »). Doit-on y voir un tournant dans la programmation de la galerie ? « Oui, reconnaît Gilles Drouault, je pense dorénavant présenter davantage de pièces uniques. Car j’ai un peu le sentiment d’être allé au bout de ce que je pouvais faire dans le registre du multiple. De plus, à l’époque où nous avons commencé, on ne trouvait pas les multiples aussi facilement. Aujourd’hui, avec  Internet, on peut voir et  commander tout ce qui se produit dans le monde entier. En fait, dans l’idéal, j’aimerais avoir deux structures : une qui fonctionne comme une galerie traditionnelle et une autre qui continue à montrer des multiples, mais pas forcément aux connaisseurs d’art contemporain, dans un lieu qui ne leur soit pas uniquement  réservé, comme un grand magasin par exemple.  J’ai le sentiment qu’il y a encore beaucoup à faire en matière de pédagogie et d’accessibilité de l’art contemporain auprès du grand public. » Belle profession de foi pour un galeriste dont la principale fierté est d’avoir créé un espace où l’on s’arrête encore pour parler d’art et pas seulement des dernières flambées du marché.

Galerie de multiples, 17 rue Saint-Gilles, 75003 Paris (www.galeriedemultiples.com). L’exposition Paul Czerlitzki continue jusqu’au 26 octobre. La galerie est aussi présente à la Fiac où elle présente, entre autres, de très belles et très abordables photos de l’artiste thaïlandais Viriya Chotpanyavisut.

-Images : la galerie pendant l’exposition Paul Czerlitzki ; Gilles Douault entouré de ses deux collaboratrices, Magali Taureilles (à gauche) et Irène Varano (à droite)

 

Cette entrée a été publiée dans La galerie du mois.

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commentaire

Une Réponse pour La Galerie de Multiples

Daniel Vignal dit :

Je préfère acheter une oeuvre/pièce unique à un artiste « émergent » qu’un innombrable multiple d’un « grand » artiste …
Tenez, voici mes derniers achats !
http://www.christopher-warren-art.com/

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