de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Les galeries parisiennes à la fête

Les galeries parisiennes à la fête


Ce week-end, grande fête dans les galeries parisiennes qui participent à la 5ème édition de Paris Gallery Weekend. Cette manifestation, créée à l’origine par Marion Papillon, qui s’est entourée depuis d’une équipe de galeristes aguerris (Anne-Sarah Bénichou, Philippe Jousse, Nathalie Vallois et Séverine Waelchli de la galerie Ropac), a pour ambition de montrer la diversité et la vitalité de la scène artistique parisienne et de faire régner, pendant deux jours, un esprit de fête. Les 44 galeries d’art moderne et contemporain qui y participent seront ouvertes toute la journée de samedi et de dimanche et multiplieront les initiatives pour retenir l’attention des curieux et des collectionneurs. On ne citera pas toute la riche programmation (que l’on peut consulter sur le site www.parisgalleryweekend.com), mais on notera quelques rendez-vous, qui nous ont parus particulièrement intéressants :

-Des rencontres avec des artistes d’abord, comme Gaëlle Choisne, par exemple, chez untilthen, qui fera aussi une performance, ou Olivier Mosset chez VNH Gallery, Emily Ludwig Schaffer chez Pact ou Sergio Verastegui chez Thomas Bernard-Cortex Athletico.

-Des talks avec Dove Allouche, dont il a été récemment question dans ces colonnes (cf http://larepubliquedelart.com/boites-identites-et-doutes/), chez gb agency le 26, à 16 ; ou avec Pierre Saint-Jean, le même jour et à la même heure, à propos de David Hockney à la galerie Lelong (qui ouvre à cette occasion un nouvel espace avenue Matignon) ; des présentations de l’exposition Michal Zelehoski chez Backslash, le 26, à 17h ; ou d’Elisabetta Benassi, chez Jousse Entreprise, le même jour, à partir de 15h.

-Des concerts de Sarah Aguilar chez Jocelyn Wolff (27, 15h), d’Apolline Roy chez Catherine Putman (26, 18 et 19h), une performance de plusieurs artistes (dont Julien Creuzet et Mimosa Echard) chez Anne-Sarah Bénichou (27, 16h) ou une lecture de textes sur la guerre d’Algérie par Bruno Boulzaguet chez Sator, à propos de l’exposition d’Eric Manigaud (26, 16h).

-Des vernissages, comme celui de ce merveilleux et délicat artiste qu’est Patrick Neu (cf http://larepubliquedelart.com/patrick-neu-simplicite-confondante/) chez Ropac, celui de Jürgen Klauke chez Suzanne Tarasiève ou celui de l’exposition collective organisée par Léa Chauvel-Lévy à la galerie Papillon, des cocktails et des brunchs autour de Babi Badalov chez Jérôme Poggi, Jennyfer Grassi chez Eva Hober, Sandrine Rondard chez under construction gallery ou Vivien Roubaud chez In Situ-Fabienne Leclerc. Et même un atelier de gâteaux Bogato  à l’occasion de la Fête des mères à la galerie Vallois, le 27, à 15h.

A noter que le petit guide qui a été édité pour l’occasion et que l’on trouvera dans toutes les galeries participantes propose aussi des visites par quartier, avec des itinéraires détaillés, et qu’un jeu est organisé, qui consiste à retrouver, à partir de différents indices, une caisse mystère, le gagnant recevant un à valoir d’une valeur de 2000€ pour acheter une œuvre d’art. Bref, un week-end festif et convivial, que la météo estivale devrait rendre encore plus agréable.

Aanza.1L’excellente galerie Imane Fares, qui est spécialisée dans l’art contemporain de l’Afrique et du Moyen –Orient et qui ouvrira bientôt un autre espace à la Fondation Fiminco de Romainville, en compagnie d’Air de Paris, de In Situ-Fabienne Leclerc et de la galerie Sator, entre autres, ne fait pas partie de Paris Gallery Weekend, mais mérite qu’on s’y arrête. Car elle présente la première exposition d’un jeune artiste congolais, Sinzo Aanza (né en 1990), qui a publié un roman en 2015, Généalogie d’une banalité, avant de se tourner vers l’art. Comme le dit le petit journal distribué gratuitement par la galerie : « L’exploitation des ressources naturelles, la représentation des identités nationales et les dérives de celle-ci, ou encore la construction de l’image du Congo depuis l’époque coloniale, sont des thèmes qui nourrissent aussi bien ses œuvres visuelles que littéraires. » Et justement l’exposition qu’il présente à Paris, Pertinences citoyennes, a pour sujet les langages du pouvoir et du lynchage qui ont favorisé,  selon l’artiste, « l’émergence d’une identification collective ». Dans ce même petit journal, il précise : « L’exercice du pouvoir, dans ses formes sociales de domination, de responsabilité déléguée ou autoproclamée, d’aura spirituel et de parrainage, et l’acte de lynchage des personnes incarnant ces différentes formes de pouvoir sont à la fois proches et éloignés, de par la théâtralité de leur discours, de leurs gestes, de leur jeu, en somme de par leur langage dans un cadre symboliquement contenu, pour le pouvoir, ou débordé, pour le lynchage ».

AanzaCe double mouvement shakespearien (« le pouvoir, on l’a, on le perd »), il le traduit à l’aide des grandes photos qui marchent par deux (même si on peut les acquérir individuellement) et qui montrent un groupe de gens en tenue traditionnelle ou plus contemporaine appartenant l’un au monde du pouvoir (avec au centre, une sorte de trône ou d’objet symbolisant la force) et l’autre au monde du lynchage (ces mêmes gens couchés au sol et avec les objets de pouvoir renversés). Le tout détouré et sur fond blanc pour montrer la théâtralité du propos et ne pas faire référence à un lieu réaliste. Ce procédé binaire pourrait paraître simple, voire simpliste (et il l’est), s’il ne se révélait diablement efficace et constituait une clé de lecture pour appréhender tous les enjeux mis en oeuvre par Sinzo Aanza. D’autant qu’au centre de la galerie sont disposés les objets que l’on voit dans les photos, mais dans une autre configuration, certaines éléments du lynchage étant associés à des éléments du pouvoir. Et on saisit mieux alors toute l’ambiguïté et la subtilité du propos de l’artiste. Un artiste qui a été invité cet été au Festival d’Avignon pour y faire une lecture, mais qui n’est pas sûr de pouvoir s’y rendre (comme il n’a pas venir au vernissage de son exposition), car d’absurdes considération politiques l’empêchent aujourd’hui d’obtenir un visa de sortie (un alignement, semble-t-il, de la France sur la Belgique concernant la circulation des ressortissants congolais). Espérons donc que l’intelligence de cette exposition incitera les autorités à trouver une solution et qu’elles nous permettront de mieux connaître encore ce jeune homme au talent prometteur.

LawlorLa galerie Pauline Pavec ne fait pas davantage partie de Paris Gallery Weekend, mais mérite elle aussi le détour. Parce qu’elle présente le travail d’une peintre anglaise, Erin Lawlor, que l’on ne connait quasiment pas en France, alors qu’elle y a vécu de longues années (mais elle a beaucoup souffert, semble-t-il, du manque de considération de notre pays pour la peinture). Erin Lawlor travaille au sol, à la brosse, de grands et petits formats qui ne sont pas figuratifs mais que l’on a du mal à qualifier de totalement abstraits pour autant. En fait, elle imprime sur la toile différentes couches rapides, qui se fondent, avant que la précédente ne soit sèche, et qui finissent par former un agrégat de matière qui recherche constamment la lumière et dans lequel le mouvement est toujours lisible. C’est une peinture très gestuelle, presque performative, avec un aspect très théâtral, des volutes qui font penser à l’esthétique baroque (le grand diptyque ici reproduit n’est pas sans évoquer un ciel de Tiepolo), mais qui ne sombre jamais dans le décoratif.

Elle expose ici en dialogue avec quelques très belles gouaches de Bram van Velde, un artiste pour lequel elle éprouve une grande admiration. En fait, il n’y a pas tant de rapports entre Bram van Velde et elle, si ce n’est le fait de travailler « dans le mouillé », comme elle aime à le dire, et peut-être à suggérer un rythme, à faire émerger, soudain, une couleur. Et sans doute un même amour et une même connaissance de l’histoire de l’art. Dans le petit texte qui accompagne l’exposition, Laurent Boudier, avec justesse, la définit ainsi : « Artiste de son époque, publiant sur Instagram, une chronique d’images nourrie de la peinture des autres, De Kooning, Per Kirkeby, Frank Auerbach et tant d’autres, Erin Lawlor peint vite, fait des toiles au bord de son dojo, dit le paradoxe de la vitesse et de l’alangui, de l’évanescence et du fixé, des chairs de la couleurs et de l’ombre tenace presque noire. Une peau peinture. »

 

-Paris Gallery Weekend, les 26 et 27 mai dans 44 galeries parisiennes (voir le programme complet sur www.parisgalleryweekend.com)

-Sinzo Aanza, Pertinences citoyennes, jusqu’au 28 juillet à la galerie Imane Farès, 41 rue Mazarine 75006 Paris (www.imanefares.com)

-Erin Lawlor/Bram van Velde, L’Echappée belle, jusqu’au 24 juin à la galerie Pauline Pavec, 39 rue de Grenelle 75007 Paris (www.paulinepavec.com)

 

Images : Michael Zelehoski à la galerie Backslash, Open House, assemblage d’une cabane trouvée, 396 x 1000 cm © Manuel Braun 2016 Centre Pompidou, MNAM-CCI Paris ; Sinzo Aanza, Sans titre 1, 2018, 80 x 137 cm, Photographie, Edition de 5+1AP et Sans titre 2, 2018, 80 x 137 cm, Photographie, Edition de 5+1AP, courtesy de l’artiste et de la galerie Imane Farès ; Erin Lawlor, What lies betwenn (Big Bad Wolf), diptyque, 2 x 180 x 130 cm, 2017. Courtesy de l’artiste et de la galerie Pauline Pavec.

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