Monaco, glamour toujours
Le week-end dernier, s’est tenue, au Grimaldi Forum, la première édition d’artmonte-carlo, un salon d’art initié par les organisateurs d’artgenève. Et pour ce premier rendez-vous, de nombreuses et bonnes galeries françaises (Air de Paris, Almine Rech, Art : Concept, Laurent Godin, Mitterand, Praz-Delavallade, etc.) et internationales (Victoria Miro, Blondeau & Cie, Pace, Filomena Soares) ont répondu à l’appel. Diverses manifestations dans la ville et aux alentours, ainsi qu’une « nuit blanche », ont aussi soutenu ce salon qui peut légitimement trouver sa place dans une région à fort pouvoir d’achat. Le résultat est d’ailleurs plus qu’encourageant. Dans de beaux stands, bien aménagés et où la circulation était toujours agréable, les visiteurs ont pu voir des œuvres de belle qualité, certes souvent spectaculaires, mais de bonne tenue. L’art moderne y était très représenté, avec en particulier de nombreuses galeries italiennes, ce qui s’explique par la proximité géographique, mais aussi par le goût des acheteurs potentiels (rarement vu autant de pièces de Fontana sur une même foire). Au détriment peut-être d’une création contemporaine plus pointue (mais les institutions et les « non profit space » étaient présents au sous-sol). Bref, en dehors de certaines galeries « bling-bling », dont on se demande ce qu’elles venaient faire là (certaines vendaient même des bijoux !), l’ensemble avait de l’allure et, d’après les échos qu’on a pu avoir, les ventes n’ont pas été négligeables, même si la fréquentation aurait pu être meilleure. Il y aura sûrement encore des efforts à faire en matière de communication et de sélection des galeries, mais on ne peut que saluer la naissance de ce artmonte-carlo, qui a le mérite de focaliser l’attention sur une région riche en institutions et en histoire artistiques.
Et comme Monte-Carlo reste Monte-Carlo et que le glamour y a toujours sa place, le Nouveau Musée National a voulu y apporter sa touche en programmant une exposition de Francesco Vezzoli, dont le vernissage, très mondain, a eu lieu en ouverture du salon. Francesco Vezzoli, l’ami des stars et des célébrités, on le connait pour ses vidéos qui parodient les soap opéras américains et dans lesquels ont tourné des acteurs tels que Catherine Deneuve, Sharon Stone ou même…Bernard-Henry Lévy (DEMOCRAZY en 2007. Et l’une de ses spécialités est la broderie avec laquelle il dessine des larmes sur les portraits des vedettes de l’écran ou reproduit des œuvres abstraites de l’histoire de l’art pour leur enlever leur rigidité et leur donner un côté « queer ». L’humour est bien sûr au cœur de son travail, mais aussi le pouvoir que possède aujourd’hui une certaine culture populaire, celle des médias et de la publicité.
Pour l’exposition de Monaco, il a rassemblé les pièces qu’il consacre depuis plus de quinze ans à Marlene Dietrich (et en a créé d’autres pour l’occasion) et comme celle-ci a lieu à la Villa Sauber, il l’a baptisée Villa Marlene, l’idée étant que le musée puisse devenir le lieu d’habitation fictionnelle de la star. On y voit donc tout un ensemble de peintures qu’il a faites réaliser par des copistes et qui sont des toiles à la manière de (Bacon, Magritte, Matisse, Chirico, Modigliani, etc.) dans lesquelles apparait la figure de Marlene. Un ensemble de broderies représentant des portraits de l’actrice fait aussi face à des broderies qui reproduisent des œuvres de Josef Albers, le maître du Bauhaus. Et la femme de ce dernier, Anni, qui fut une des plus grandes artistes « textiles » du XXe siècle, est au cœur d’une vidéo, Marlene Redux (2006), et d’une série d’affiches qui la confrontent à l’héroïne de L’Ange bleu, selon l’artiste, « les deux femmes les plus engagées et combatives de cette époque ». Dans la vidéo, Vezzoli imagine un lien hypothétique entre Dietrich et Anni Albers, mais il raconte aussi, à la manière de la série TV américaine, A true Hollywood story, la vie d’un certain Francesco Vezzoli qui cherche à trouver sa place dans la Mecque du cinéma et finit mal. Le tout à l’aide de témoignages de prostitués mâles, de profs de gym, d’acteurs pornos et avec des extraits de son film scandaleux d’après le Caligula de Gore Vidal ou de sa manière très « couillue » de revisiter Bruce Nauman…
Glamour, kitsch, second degré : tout est en place pour que fonctionne cette exposition qui ne laissera sans doute pas un souvenir impérissable, mais qui se voit sans déplaisir. On peut juste regretter que l’artiste n’ait pas intégrer un extrait du film de Samuel A. Taylor, The Monte-Carlo Story, dans lequel Marlene apparait elle-même, au sommet de sa gloire, dans la Principauté, ce qui aurait encore rajouté à la mise en abyme. En attendant, si l’on parvient à atteindre la Villa Sauber malgré tous les travaux de construction qui semblent perpétuellement entraver la circulation dans la ville, on pourra aller saluer ces images iconiques de cette star qui, « des pieds à la tête, était faite pour l’amour ».
–Villa Marlene, Francesco Vezzoli, jusqu’au 11 septembre à Villa Sauber, 17 avenue de la Princesse Grace. 98000 Monaco (www.nmnm.mc)
Images : Francesco Vezzoli: Villa Marlene, 2016, Digital print on paper, Courtesy of the artist; FOUR FABULOUS FACES: JOAN AND MARLENE (detail) 2001, 9 elements – 35 x 35 cm each, Laserprint on canvas, metallic embroidery, Consolandi Collection, Milan, Courtesy of the artist; ALL ABOUT ANNI – ANNI VS. MARLENE (THE SAGA BEGINS), 2006, Digital print on paper – Dimensions Variable, Courtesy of the Artist
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