de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Pour le Liban

Pour le Liban

On connait relativement mal La Guerre et la Paix, cette œuvre que Picasso peignit directement sur les murs de la chapelle du Château de Vallauris, à la fin des années cinquante, à la même époque où Matisse édifiait sa sublime chapelle à Vence et où Cocteau ornait de fresques langoureuses la chapelle des Pêcheurs de Villefranche-sur-Mer. Réalisée en pleine Guerre froide, dans ce petit édifice médiéval qui ne dispose pas d’ouverture sur l’extérieur, elle représente, sur un mur, les folies et les horreurs de la guerre et, sur le mur d’en face, la félicité et le bonheur de la paix, où les femmes connaissent les délices de la maternité. Moins forte et moins spectaculaire que Guernica, sans doute parce que ne répondant pas à la même urgence, mais renvoyant à l’art rupestre, la fresque n’en est pas moins impressionnante et caractéristique de la dernière époque du Maître, celle où il associait sa créativité à celle des potiers de Vallauris (ses céramiques sont d’ailleurs exposées dans le musée adjacent).

Dans la salle qui ouvre sur cette chapelle, on présente aussi des expositions d’art contemporain. Et cette année, c’est l’artiste libanaise Mounira Al Solh (née en 1978) qui a été sélectionnée pour présenter un projet à l’issue d’une résidence. Elle y montre une tente dans laquelle le spectateur est invité à entrer et sur laquelle les noms en arabe des 24 heures du jour et de la nuit sont brodés. Par des haut-parleurs, il peut aussi entendre des récits relatifs à la condition de la femme dans le monde arabe (en langue originale, mais avec des traductions). Un peu plus loin, une autre broderie montre une version féminine du Guerrier de la Paix de Picasso. A ses pieds se trouve une pile dont les titres évoquent les mouvements de contestations actuels au Liban. C’est simple, sobre, efficace et prend une résonance d’autant plus forte dans la tragédie qui vient s’abattre sur le pays.

A ce sujet, je voudrais mentionner une initiative qui a été mise en place sur Instagram pour récolter des fonds : artrelief4beirut. Il s’agit d’œuvres que des artistes mettent en vente à des prix préférentiels et dont les recettes vont directement aux associations caritatives. Lorsqu’on est intéressé, il faut d’ailleurs faire un don équivalent au prix de l’œuvre à la Croix Rouge libanaise ou à d’autres associations et c’est en justifiant de votre reçu que l’œuvre vous est envoyée. Des artistes célèbres comme Mona Hatoum ou le collectif qui a remporté le Turner Prize cette année (Lawrence Abu Hamdan, Hellen Cammock, Oscar Murillo et Tai Shani) et d’autres qui commencent à le devenir comme Ali Cherri, James Webb, Younes Rahmoun, Ali Eyal et Nidhal Chamekh ont déjà donné des œuvres et d’autres sont ajoutées tous les jours. C’est donc autant l’occasion  de faire preuve de générosité que d’acquérir des œuvres d’artistes souvent passionnants…

-Mounira Al Solh, Mina El Shourouk ila Al Fahmah–Lackadaisical sunset to sunset, jusqu’au 2 novembre au Musée national Picasso, La Guerre et la Paix, Place de la Libération 06220 Vallauris

-artrelief4beirut sur Instagram

Images : Mounira Al Solh, Mina El Shourouk ila Al Fahmah–Lackadaisical sunset to sunset, parasol brodé e thaut-parleur, 2019.Vue in situ dans la chapelle, musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix,Vallauris. Courtesy de l’artiste et de la Sfeir-Semler Gallery (Beyrouth / Hambourg). Photo ©Eleonora Strano, 2020; Paper Speaker, 2020, Encre, sel, betterave, curcuma, café, graphite, couture sur toile de coton, feutre cousu, Courtesy de l’artiste et de la Sfeir-Semler Gallery, Beyrouth/Hambourg. Photo ©Eleonora Strano,2020

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