de Patrick Scemama

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Révélations Emerige 2017: vaste choix

Révélations Emerige 2017: vaste choix

De plus en plus de salons, prix et expositions (Prix Ricard, Salon de Montrouge, Jeune Création, etc.) promeuvent les jeunes artistes. Et l’on ne saurait s’en plaindre, tant est compliqué pour eux le passage entre la fin des études –et donc la fin des aides en tous genres- et le début de la vie professionnelle, à laquelle, d’ailleurs, beaucoup finissent par renoncer. Parmi ces « tremplins », la « Bourse Révélations Emerige », fondée il y a quatre ans par Laurent Dumas, le PDG du groupe immobilier du même nom, occupe une place de choix (cf http://larepubliquedelart.com/emerige-recompense-les-jeunes-talents/). S’adressant aux artistes français de moins de 35 ans non représentés par une galerie, elle offre au lauréat une somme de 15 000 euros pour réaliser sa première exposition personnelle, un atelier et un accompagnement  professionnel d’un an. Et comme elle associe chaque année une galerie différente pour participer à la sélection et au jury, c’est dans cette galerie que l’heureux élu aura l’opportunité de montrer son travail. En 2014, c’était Vivien Roubaud qui avait remporté la bourse et son travail a été beaucoup vu, depuis, à la galerie In Situ-Fabienne Leclerc (il était particulièrement mis en valeur lors de la dernière FIAC) ; en 2015, c’était Lucie Picandet qui avait les honneurs de la galerie Vallois ; et l’an passé, c’est l’intriguant Edgar Sarin qui était couronné et qui aura une exposition en décembre prochain à la galerie Michel Rein.

Emerige 2017 3L’édition de cette année a ceci de particulier qu’en plus d’associer une nouvelle galerie, la galerie Papillon, pour l’attribution de la traditionnelle bourse, elle fait intervenir une autre galerie, la galerie turque The Pill, qui défend régulièrement la scène émergente française, pour choisir un artiste dans la sélection et lui offrir une exposition dans son espace stambouliote. Il a y a donc deux gagnants cette année qui se voient offrir l’un et l’autre une exposition personnelle, l’un en France, l’autre sur le Bosphore. La première (puisqu’il s’agit en fait de deux gagnantes, nouvelle preuve de la place prépondérante prise aujourd’hui par les femmes dans le milieu de l’art), celle de la bourse Emerige, est Linda Sanchez, dont on avait déjà pu voir le travail cette année au Salon de Montrouge. Elle propose une œuvre conceptuelle qui joue sur la répétition et la reproduction de la fracture d’une colonne en plâtre. C’est beau, intelligent, très bien réalisé, mais un brin cérébral (alors qu’une vidéo qu’elle montre un peu plus loin et qui filme en gros plan la trajectoire d’une goutte d’eau, se révèle davantage poétique). La seconde, qui aura donc une exposition en Turquie, est Alice Guittard, dont le travail est beaucoup basé sur le texte et la littérature. Elle part d’un texte sur une femme adultère pour réaliser une installation qui marie deux contraires : le désir et la légèreté, représentés par des images de la femme dénudée, et la lourdeur et la pesanteur, symbolisées par des blocs de marbre sur lesquelles ces images se superposent.

Emerige 2017 4C’est un choix respectable et qui se défend, mais on aurait pu tout aussi bien récompenser le travail de Luke James, qualifié de « minimalisme néo-rural » et qui joue sur les matériaux bruts en leur faisant subir une pression ; celui, plutôt humoristique, de Gwilherm Lozac’h, qui s’effectue plutôt in situ et qui réfléchit sur le positionnement de l’artiste ; celui de Fabien Léaustic, qui utilise la matière naturelle et en évolution (le thé, la terre, etc.) ou celui d’Eva Medin qui crée tout un univers, mi-tendre, mi-inquiétant, à partir d’une structure qu’elle a mise en place dans une école maternelle. Et on aurait aussi pu mettre en avant la démarche presque documentaire de Mali Arun qui filme la violence des jeunes entre eux lors d’une fête de la Saint-Jean en Alsace ou les « Structures déambulatoires » et les performances sur le cri de Jérôme Grivel. En fait, rien n’est médiocre dans cette sélection de douze artistes qui ont tous un univers et un projet à défendre. Mais rien ne s’impose véritablement non plus. Chacun y trouvera son champion en fonction de ses centres d’intérêts et de ses affinités. Et chacun choisira le medium qui lui convient le mieux, depuis la peinture traditionnelle (Apolonia Sekol) jusqu’à l’installation de matériaux récupérés et assemblés sur place (Alice Loradour), en passant par une forme de sculpture (Laetitia de Chocqueuse), la vidéo (Mali Arun, déjà citée), mais aussi les techniques qui vont de l’un à l’autre (Marcel Devillers).

Emerige 2017 5Dans le catalogue de l’exposition (d’ailleurs distribué gratuitement au visiteur), Gaël Charbau, commissaire depuis la création de la manifestation, évoque la difficulté à circonscrire l’art d’aujourd’hui en raison de la multiplicité des esthétiques qui s’y côtoient. « L’art du présent, écrit-il, est construit sur un compromis déstabilisant pour ses détracteurs qui aimeraient pouvoir coller une seule et même étiquette sur cet apparent capharnaüm. Malheureusement pour eux, ce chaos de styles, de médiums et de figures ne peut être attrapé en entier par aucun bout, puisqu’il est au moins aussi complexe que le monde dans lequel nous vivons et qui le nourrit sans cesse. » Une constatation que son exposition illustre parfaitement.

En forme de vertiges, Bourse Révélations Emerige 2017, jusqu’au 30 novembre à la Villa Emerige, 7 rue Robert Turquan, 75016 Paris (www.revelations-emerige.com). Entrée gratuite.

Images : vues de l’exposition En forme de vertige avec des œuvres de : 1, Linda Sanchez et Jérôme Grivel ; 2, Laetitia de Chocqueuse, Luke James, Alice Guittard et Apolonia Sokol ; 3, Eva Medin ; 4, Alice Louradour © Rebecca Fanuele pour Emerige

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commentaire

Une Réponse pour Révélations Emerige 2017: vaste choix

Sergio dit :

« une seule et même étiquette sur cet apparent capharnaüm. »

C’est le « classer » du « Classer ou penser » de Georges Pérec ; le « penser », c’est cette petite voix intérieure, comme on dit, qui le révèle à l’artiste. Si cette petite voix est honnête, alors le spectateur la percevra de même…

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