Laura Lamiel ose le cuivre
En décembre 2013, je vous parlais de Noyau dur et double foyer, la très belle exposition que Laura Lamiel, cette artiste dont on avait un peu perdu la trace, mais que sa galerie, Marcelle Alix, remettait sur le devant de la scène, avait réalisée pour La Galerie, le centre d’art de Noisy-le-Sec (https://larepubliquedelart.com/de-lautre-cote-du-perif/). Depuis, la carrière de l’artiste a repris de l’essor, elle a exposé, entre autres, au Kunstverein de Langenhagen en Allemagne et une autre galerie, Silberkuppe, la représente désormais à Berlin. Aujourd’hui, elle fait halte à Bruxelles où elle présente sous la Verrière de la Fondation Hermès, dans le cadre du cycle « Des gestes de la pensée » initié par Guillaume Désanges, une nouvelle exposition qui a pour intrigant titre Chambres de capture.
Et cette nouvelle exposition se révèle aussi fascinante que les précédentes. Car sous cette verrière qui se trouve littéralement au fond du magasin Hermès et que l’artiste a en partie occultée (elle l’a faite recouvrir de Blanc d’Espagne, de manière à ce que la lumière naturelle pénètre, mais sans provoquer d’ombres, pour ne pas entrer en concurrence avec les néons qu’elle intègre souvent à ses œuvres), Laura Lamiel a su faire preuve d’une même maîtrise de l’espace, d’un même sens de l’aménagement formel et d’une même capacité à faire jaillir le mystère. On retrouve donc ces cellules autour desquelles on peut circuler et à l’intérieur desquelles sont rangés tout autant des objets trouvés que des éléments construits (des gants, des semelles cloutées, des livres, des crayons, des photos, des plaques de céramique, etc.), selon un ordre qui nous échappe. On retrouve cette méticulosité, cette précision, cet ordre qui donnent à penser que rien n’est laissé au hasard et que tout est intensément pensé, pour ne pas dire chorégraphié. On retrouve cette bipolarité entre le chaud et le froid, l’organique et l’industriel, le vide et le plein, le caché et le montré qui ouvrent sur des considérations spirituelles et se complètent comme le yin et le yang des philosophies orientales.
Mais cette fois, un élément nouveau intervient, qui perturbe un peu la donne. La présence d’un nouveau matériau, chaud et conducteur : le cuivre sous la forme de grandes plaques posées contre le mur du fond ou servant à construire une cellule toute entière. Et comme un peu plus loin se trouve aussi du feutre, on pense bien sûr à Josef Beuys, même si l’artiste ne semble pas revendiquer cette référence (l’idée d’un art qui sauve ?). Quoiqu’il en soit, l’introduction du cuivre bouscule la monochromie de l’ensemble (chez Laura Lamiel, c’est toujours le blanc qui domine) et apporte un réchauffement à un univers que certains pourraient qualifier de « clinique », tout en revenant aux formes minimales pures dont elle se dit issue. Comme si l’artiste, progressivement, se révélait, se racontait de manière plus directe, mais en retrouvant les sources de son inspiration première. Comme si elle infléchissait volontairement ou faisait évoluer son travail, mais en le ramenant à son origine. Mais ces formes en cuivre, avec leurs qualités brillantes et réfléchissantes, sont placées au dernier plan, pour bien marquer qu’il s’agit d’une nouvelle voie, qui sait ?, d’une tentative. Et comme des photos sont posées contre les autres murs, qui renvoient à l’espace de l’atelier, l’exposition, qui n’est elle-même qu’une projection mentale ou un déplacement de l’atelier, prend des allures de jardin zen, d’un lieu où se concentre le monde dans sa globalité.
–Chambres de capture de Laura Lamiel, jusqu’au 25 juillet à la Verrière-Fondation Hermès, 50 bld de Waterloo, Bruxelles 1000 (www.fondationdentreprisehermes.com)
Images : Laura Lamiel, vues de l’expo Chambres de capture, La Verrière – Fondation d’entreprise Hermès, 2015, photos Isabelle Arthuis
2 Réponses pour Laura Lamiel ose le cuivre
Plus audacieux le cuivre, plus cool le bronze.
D’user des cuivres, n’est pas jazzy qui veut!
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