L’humeur de 2017
L’année s’achève et l’heure est au bilan. Comme d’habitude, chacun y va de ses listes, de son « Top 10 », de ses « Best of ». Plutôt que d’ essayer très sérieusement de me souvenir de ce qui m’a semblé vraiment important en 2017, je préfère faire état de ce qui me vient à l’esprit, de ce qui surnage après une année de visites d’expositions et de musées. Exercice surement très injuste, parce que j’y oublierai des choses et que mon choix d’aujourd’hui ne sera peut-être pas exactement celui d’hier ou de demain, mais dont j’assume la pleine subjectivité. Il s’agit donc d’un billet d’humeur :
-deux artistes m’ont semblé marquants en 2017, parce que j’ai vu deux expositions d’eux qui renouvelaient complètement l’approche que l’on pouvait avoir de leur œuvre : David Hockney et Wolfgang Tillmans. David Hockney a été fêté à la Tate Britain (cf https://larepubliquedelart.com/tillmans-hockney-au-depart-etait-le-sexe/) et au Centre Pompidou (cf https://larepubliquedelart.com/hockney-mouvement-perpetuel/), avant le Metropolitan de New York (actuellement en cours). Il s’agissait d‘une exposition quasiment identique, mais présentée de manière différente. A la Tate, c’étaient surtout les tableaux iconiques qui étaient mos en avant, ceux qui définissent les différentes étapes de la carrière du peintre. Au Centre Pompidou, dans un espace plus vaste, c’étaient les mêmes tableaux qui étaient présentés – enrichis des dernières productions-, mais dans un accrochage, dû à Didier Ottinger, qui prouvait à quel point Hockney avait toujours été à l’écoute de son époque, à quel point il avait toujours apporté sa réponse à l’art qui était en train de se faire. Ainsi, de l’image parfois hédoniste et frivole que l’on peut parfois avoir de lui, on passait à celle d’un artiste très réfléchi, plein d’ironie et qui a fait figure de précurseur.
Wolfgang Tillmans a eu lui aussi deux expositions importantes celle année, à la Tate Modern de Londres (cf la référence de l’article plus haut) et à la merveilleuse Fondation Beyeler de Bâle (cf https://larepubliquedelart.com/aux-folies-baloises/). Il s’agissait là de deux expositions bien différentes, la première regroupant le travail des dernières années (le plus expérimental et audacieux), alors que la seconde, plus consensuelle, classifiait les thèmes sur lesquels a travaillé cet artiste au registre si vaste. Mais dans les deux cas, on voyait la richesse et la capacité de renouvellement d’une œuvre qui s’impose comme une des plus importantes et des plus significatives de notre époque. On en sortait émerveillé.
-une autre déflagration a été celle ressentie à la Biennale de Venise avec le Faust d’Anne Imhof qui a gagné le Lion d’or du meilleur pavillon national pour l’Allemagne (cf https://larepubliquedelart.com/radicalement-votre/). Anne Imhof, elle, est dans les radars depuis la performance bluffante qu’elle avait présentée, il y a trois ans au palais de Tokyo (Deal). En quelques années, elle devenue une star. Ce Faust, qui est aussi bien une référence à l’œuvre de Goethe que l’affirmation d’une révolte (« Faust » en allemand signifiant « poing ») en disait long sur le statut de l’image à notre époque et sur les relations de soumissions dans lesquelles nous évoluons. Il restera longtemps dans les mémoires avec ses zombies tout en noir se livrant à des activités mystérieuses et ses dobermans qui accueillaient le spectateur à l’entrée du pavillon.
-Parmi les « performeurs » de Faust, figurait à l’origine Eliza Douglas, cette grande et longue jeune fille qui a été mannequin et qui est la fiancée d’Anne Imhof. Elle est aussi peintre et son travail étrange, avec des mains et des pieds reliés par des lignes abstraites, nous avait beaucoup intrigués lorsqu’il avait été présenté à la galerie Air de Paris (cf https://larepubliquedelart.com/il-faut-etre-absolument-moderne/). Depuis, il a été beaucoup vu, en particulier à la Fiac, sur le stand d’Air de Paris, mais aussi sur celui de sa galerie américaine Overduin &Co, et il est actuellement montré au Schinkel Pavillon de Berlin. Avec sa fraîcheur, sa modernité, son absence de prétention, son humour, il s’impose comme un des plus réjouissants et des plus attachants de ses derniers mois.
-Et puis quelques beaux souvenirs d’expositions en galeries ou institutions : Pieter Vermeersch chez Perrotin (l’alliance de l’éternité du marbre avec la fugacité du geste de peindre), Roman Ondak chez gb agency (une autre forme de radicalité : montrer l’espace après une inondation dont on ne sait si elle est réelle ou fictive), Claire Tabouret à la Friche la Belle de Mai de Marseille (un intelligent et posé regard sur les années écoulées), Medusa au Musée d’art moderne de la ville de Paris (une exposition sur les bijoux d’artistes où l’on allait un peu en traînant les pieds et qui se révèle être une des propositions les ambitieuses de l’année), Alice Neel à la Fondation Van Gogh d’Arles (la redécouverte d’une peintre sans concessions), Théo Mercier au Musée de l’homme (le trublion y est à sa juste place), Ali Cherri chez Imane Fares (une réflexion pétrie d’intelligence sur l’archéologie), Jean-Baptiste Bernadet chez Valentin (où la peinture rime avec délicatesse et érotisme), Petrit Halijaj chez Kamel Mennour (comment réussir à parler de l’histoire avec un grand « H » à partir de souvenirs personnels)…
Voilà, c’est tout. C’est déjà beaucoup pour aujourd’hui. Bonne année à tous et à l’année prochaine.
-Images : Photo de David Hockney devant la toile monumentale dont il a fait don au centre Pompidou; vue de l’exposition Wolfgang Tillmans à la Tate Modern de Londres; Faust d’Anne Imhof à la Biennale de Venise ; Eliza Douglas, Monster (une autre série de peintures de l’artiste), 150 x 150 cm, courtesy Air de Paris
3 Réponses pour L’humeur de 2017
(où la peinture rime avec délicatesse et érotisme),
Vous voulez dire avec délicature et éroture.
Beaucoup d’humour pour ce début d’année, Octavio!
A la fin de l’année 1300, la même démarche aurait pu repérer Giotto, qui annonçait les siècles à venir. Qui en 2017 préfigure les transformations profondes en cours ou à venir??????
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