de Patrick Scemama

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La République de l'Art
Rêver l’architecture

Rêver l’architecture

C’est autour de l’architecture que le très bel Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux, qui abrite aussi la collection Albers-Honegger, a organisé ses deux expositions de l’été. La première, qui se tient à l’intérieur même de l’Espace, est consacré à Yves Klein et à Claude Parent et aux projets qu’ils ont élaborés ensemble. Pendant toute sa vie, Klein a collaboré avec les créateurs de son temps (artistes, designers, photographes, etc) et lorsque, autour de 1958, il s’est lancé dans son projet « d’architecture de l’air » (un projet qui tend vers l’immatériel  et envisage des constructions à partir des quatre éléments), il s’est tourné vers Claude Parent, avec qui il a imaginé des fontaines de feu et de nuages de vapeur d’eau éclairés pour le Trocadéro : les « Fontaines de Varsovie ». Ce sont les maquettes de ce projet jamais réalisé, ainsi que des documents autour des deux artistes, qui ouvrent l’exposition, mais le cœur en est constitué par la présentation de la maquette en trois dimensions d’un mausolée que Claude Parent voulut construire après la mort de Klein, à la demande de sa mère et de son épouse, pour lui rendre hommage. Cet incroyable édifice « vise, selon les propos de Claude Parent lui-même, à une interprétation architecturale de la pensée d’Yves Klein dans ce qu’elle propose de plus fondamental. Il s’agit de réaliser sur trois niveaux un parcours continu, enchaînant des espaces différenciés, parcours ponctué d’éléments cylindriques visant les trois directions de l’espace. » Et ainsi ces tubes de béton en position soit diagonale, soit verticale, soit horizontale doivent permettre au visiteur d’appréhender le Vide, l’Immatériel, le Monochrome et la Cosmogonie (c’est-à-dire les thèmes qui fondent l’œuvre-même de Klein) par la simple découpe du ciel de Nice. Un projet aussi audacieux que génial et dont on rêverait qu’il puisse un jour être construit.

mareschalLa seconde exposition, Rêves d’architecture, qui se tient à côté, dans la galerie du Château, a valeur moins historique : elle réunit des artistes contemporains qui ont intégré dans leur travail la notion d’architecture sans pour autant renvoyer à renvoyer à des architectes ou à des bâtiments existants. Ainsi, Veit Stratmann, Wilson Trouvé, Bertrand Lamarche ou Wesley Meuris font-ils des plans, mais qui ne renvoient à aucune réalité, dont la logique interne échappe aux codes établis. Rémy Jacquier, lui, réalise même des maquettes en dur, mais qui traduisent davantage les articulations de sa pensée qu’un projet à construire et Benjamin Sabatier interroge surtout la notion de travail et de productivité dans ses assemblages de matériaux hétéroclites. Laurent Mareschal, enfin, fait des plans des maisons dans lesquelles il a vécu, mais il les trace au sol, en sucre roux, comme pour bien marquer le caractère éphémère des choses de la vie.

De son côté, Eden Morfaux part de photographies de bâtiments existants  pour ne garder que certains détails, qu’il transpose en 3D et dans la même matière, de manière à leur donner un aspect minimal et les rendre proche de l’abstraction. De même que Simon Boudvin, qui est lui-même architecte, et qui utilise des matériaux de récupération (goudron, poussière, etc) pour les fondre dans des formes régulières.  Morgane Tschiember, Eve Pietruschi ou Vincent Ganivet, eux, s’impliquent encore davantage dans la construction : la première fait des « Bubbles », singulières sculptures « soufflées » qui unissent le verre, le béton et l’acier ; la deuxième part des paysages en friche qu’elle photographie pour les transformer ensuite en dessins, maquettes en bois ou pliages en aluminium ; le troisième érige des arches en béton, en équilibre précaire, sorte de cathédrales des temps modernes. Emmanuel Régent et Estefania Penafiel Loaiza, enfin, jouent davantage la carte de la ruine et de la disparition, lui avec une superbe série de dessins au feutre montrant des restes d’architectures imaginaires comme écrasées par la lumière, elle avec une projection de diapositives dans le noir qui met en œuvre la fragile apparition de l’image. Bref, une exposition sensible, intelligente et construite selon un rythme subtil.

-Yves Klein/Claude Parent, Le mémorial, projet d’architecture, Rêves d’architecture, jusqu’au 27 octobre. Espace de l’Art Concret, 06370 Mouans-Sartoux (www.espacedelartconcret.fr)

-Images :  Claude Parent, Mémorial Yves Klein, 1964-1965, Maquette, Bois, 40 x 49.5 x 49.5 cm, inv. 008 59 01, Collection FRAC Centre, Orléans © François Lauginie ; Laurent Mareschal, Maisons témoins, 2012, Installation, sucre roux, Dimensions variables, Courtesy galerie Marie Cini & Laurent Mareschal© Tami Notsani

 

 

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