de Patrick Scemama

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La République de l'Art
La Callas, du mal d’amour à la vénération

La Callas, du mal d’amour à la vénération

Une fois n’est pas coutume, parlons musique. D’autant que certains se souviennent peut-être que je viens du spectacle vivant (de l’Opéra de Paris très exactement) et que je reste attaché à cette forme d’art. Et surtout qu’en l’occurrence, la musique ne s’écoute pas seulement, mais se donne aussi à voir sous la forme d’une exposition. Cette exposition, c’est la première qui se tient à la Seine Musicale de Boulogne, qui a ouvert ses portes récemment, sur l’Ile Seguin. Elle est consacrée à Maria Callas, à l’occasion du 40e anniversaire de sa disparition. Lorsque je l’ai vu programmée, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une énième manifestation autour de la Diva, dont le but était surtout de remplir la salle (et les caisses), à l’instar des expositions Picasso qui constituent le fonds de commerce des grandes institutions. J’y suis donc allé sans grand enthousiasme… et j’en suis ressorti enchanté.

D’abord par l’ampleur de l’espace qui lui est dédiée (800m2, divisés en sections chronologiques qui vont de son enfance et de ses études en Grèce avec Elvira de Hidalgo, sa professeure au Conservatoire d’Athènes, jusqu’à sa mort à Paris, à peine âgée de plus de 50 ans). Ensuite par la performance technologique de la manifestation (le spectateur est muni d’un casque qui lui permet d’entendre en permanence la voix de Callas, soit parlée lors des multiples entretiens qu’elle a donnés, soit chantée, grâce à des enregistrements connus ou inconnus, et une salle à 360° lui permet d’avoir le sentiment d’être au cœur d’un concert). Enfin par la qualité et la rareté des archives présentées (Tom Volf, le commissaire de l’exposition, que rien ne prédisposait, a priori, à s’intéresser à la Diva, a fait un travail titanesque, auquel il a consacré quatre années de son existence, et qui l’a amené à rencontrer toutes les personnes encore vivantes qui l’avaient côtoyée, de manière à glaner le plus d’informations possibles).

CallasMais c’est surtout l’image de Callas qui en sort modifiée. On l’a trop souvent réduite aux scandales, polémiques ou autres anecdotes glamour (en particulier avec Onassis), qui ont émaillé sa carrière. Or, on y découvre une femme intelligente et résolue, qui parle couramment quatre langues (le grec, l’italien, le français et aussi l’anglais, puisque, ne l’oublions pas, elle est née à New York et y a passé les premières années de sa vie). Une femme perfectionniste, qui consacre sa vie au service de la musique et ne croit qu’aux vertus du travail (il faut entendre, à ce titre, l’entretien qu’elle donne aux côtés de Luchino Visconti, qui l’a mise en scène plusieurs fois à la Scala, et au cours duquel elle glorifie avec beaucoup d’humanité la valeur du travail, que l’on soit femme de ménage ou tout en haut de l’affiche !). Certes, Callas n’était pas progressiste et elle restait tout à fait indifférente à la musique de son époque. Pour elle, l’opéra ne devait être que mélodie et source de beauté. Mais par l’intensité de son jeu, par la justesse de de ses instincts dramatiques, par le côté tragique qu’elle a insufflé à chacune de ses interprétations, elle a redonné une modernité à un art qui, à l’époque, en manquait cruellement.

Nell'immagine distribuita dall'ufficio stampa il 14 aprile 2014 Pier Paolo Pasolini e Maria Callas in Grecia nel 1969.  La foto Ë esposta all'interno della mostra 'Pasolini-Roma' a palazzo delle Esposizioni fino al 20 luglio 2014. ANSA/UFFICIO STAMPA PALAZZO DELLE ESPOSIZIONI +++DA UTILIZZARE SOLO IN RELAZIONE ALLA NOTIZIA DI QUESTA MOSTA - NO SALES - EDITORIAL USE ONLY+++

Enfin, reste la vie personnelle et c’est sans doute l’aspect le plus émouvant de l’exposition. On le sait, à ses débuts, Callas était grosse, gauche, myope et elle souffrait du manque d’affection de sa mère. Ce n’est qu’à force de travail et d’obstination qu’elle est parvenue à prendre de l’assurance et à devenir la femme élégante, fine et mondaine que l’on a connu par la suite (au prix de sa voix diront certains). Mais sous l’image brillante de la jet-setteuse  qui s’étalait dans les magazines « people » perçait la fragilité de l’enfant malaimée qui a dû lutter toute sa vie pour arriver à ses fins. D’ailleurs, après la rupture avec Onassis, alors que sa carrière est terminée et sa vie affective désertée, elle ne cherche plus à faire illusion et c’est sans artifices, les cheveux tirés en arrière, le visage à nu, qu’elle apparaît désormais. Dans l’exposition, une reconstitution partielle de sa loge résume admirablement ce drame sous-jacent et fait que celle-ci, au-delà de l’aspect documentaire, touche aux beaux-arts : on y voit un portrait de Madone que Meneghini, son premier mari, lui avait offert et dont elle ne se séparait jamais, au point de l’avoir fait encadrer dans une boîte, un miroir, un bouquet de roses et ses grosses lunettes de myope. De l’adolescente malhabile à la Diva adulée, de l’artiste inquiète et superstitieuse à celle dont l’image est constamment maîtrisée : tout est dit.

 

Maria by Callas, jusqu’au 14 décembre à la Seine Musicale, Ile Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt (www.laseinemusicale.com)

 

Images : New-York-1961©Fonds-de-Dotation-Maria-Callas ; Callas-Visconti à la Scala ©Fonds-de-Dotation-Maria-Callas ; En vacances avec Pasolini ©Fonds-de-Dotation-Maria-Callas

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